Ancienne mine d'argent
Les mystères de la mine au bois dormant
En 1847, l’usine de Vialas produisait un quart de la production française d’argent. On y traitait la galène, un minerai contenant de l’argent, à l’aide de la force motrice des torrents. La vallée résonnait alors du martèlement du bocard, une machine à concasser les pierres et une grande activité régnait dans le village. La Compagnie des Mines de Vialas était une entreprise florissante, reconnue pour ses performances technologiques.
A la fin du XIXe siècle, l’exploitation a fermé. Le site retrouva le gazouillis des oiseaux et le murmure des ruisseaux. Une végétation luxuriante envahit les ruines de l’usine, parant d’un charme romantique ce témoin spectaculaire de l’architecture industrielle.Un siècle plus tard, une poignée de Vialassains – Le Filon des Anciens –, décidèrent de réveiller ce riche passé. Aujourd’hui, le site est inscrit au titre des Monuments historiques. Un sentier de découverte permet de le visiter. Un projet de musée au centre de Vialas est en cours de préparation.
A la découverte des filons en 1781, les mineurs ont découvert une galerie très ancienne, médiévale ou antique, présentant des traces d’exploitation par le feu.
La mine a donc été exploitée, au Moyen-Age ou à l’Antiquité. Mais pendant plus d’un siècle, de 1781 à 1894, on a extrait des tonnes de roches de la montagne, en détruisant au passage les vieilles galeries.
Il est donc impossible, aujourd’hui, de dater cette première exploitation. On n’en a gardé que le nom d’un des filons : le filon des Anciens.
1 - Histoire industrielle et sociale
Le site de Vialas est caractéristique des débuts de la Révolution Industrielle. A la fin du 18ème siècle et durant le 19ème siècle, le monde européen change à grande vitesse : on construit de grandes usines, on produit en masse, on invente de nouvelles machines, on utilise les sciences pour innover sans cesse et augmenter la production.
A Vialas, le petit village, rural et protestant, se transforme rapidement en cité ouvrière. Les conditions de travail sont terribles pour les hommes, les femmes et les enfants. Mais l’industrie amène aussi les premières écoles, les premiers hôpitaux et la promesse d’un destin nouveau. La mine a toujours besoin de main d’œuvre : les cévenols sont rejoints par des étrangers au pays, français, allemands ou italiens.
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Dès la fin du XVIIIe siècle, l’Europe connaît une succession de bouleversements économiques et sociaux qui transforment profondément les modes de vie, le travail, les régimes politiques, la perception du monde… Ce mouvement, qui s’appuie sur la notion de progrès technique et la montée du capitalisme économique, marque le XIXe siècle et a été nommé “Révolution Industrielle” par l’historien Blanqui.
D’abord survenues en Grande Bretagne, ces grandes mutations s’étendent au reste de l’Europe avant d’atteindre les Etats-Unis d’Amérique. Plusieurs faits se corrèlent alors ; une augmentation de la population d’une part et l’invention de nouvelles machines et procédés qui facilitent et rentabilisent le travail d’autre part. L’exode rural vide les campagnes, les villes sont brutalement surpeuplées. L’industrie devient le nouveau secteur d’emploi, transformant radicalement la géographie sociale et les modes de vie. L’industrie textile connaît une croissance importante grâce à la mécanisation des métiers à tisser, puis vient ensuite l’essor de la métallurgie. La machine à vapeur remplace progressivement la force hydraulique et les États se lancent dans la course aux minerais et aux métaux, utilisés pour alimenter et construire ces nouvelles machines.
L’emploi d’artisan qualifié laisse place à une nouvelle catégorie de travailleurs, celle de l’ouvrier sans qualification qui n’a que sa force de travail à proposer. Le prolétariat est ainsi né dans cette période et entraîne dans son sillage une révolution sociale : Marx développe dans ce contexte sa théorie sur la lutte des classes et pose les bases du questionnement sur la condition sociale.
Vialas a participé à cette aventure industrielle. En 1776, déjà, le périmètre de la concession minière établie pour la Compagnie des Mines Royales de Villefort incluait le territoire de Vialas, bien que les premiers filons n’y aient été découverts qu’en 1781. Lorsque s’achève l’Ancien Régime, Vialas est un village à dominante rurale : des terrasses permettent la culture du seigle et du sarrasin, ainsi que l’exploitation du châtaignier ; les landes servent de pâtures pour les moutons. Certaines familles complètent leurs revenus grâce à l’éducation du ver à soie, dont les mûriers plantés dans quelques propriétés sont les derniers témoins.
Lorsque la Compagnie décide d’exploiter les filons de galène et, à partir de 1827, d’implanter une usine à proximité des galeries, les répercussions sur le village sont nombreuses : augmentation de la population et création de nouveaux quartiers.
La physionomie du village évolue. L’entreprise est dirigée par un directeur qui doit rendre régulièrement des comptes aux actionnaires qui ne résident pas sur la commune mais vivent principalement à Paris. Les différents changements de statuts et de nom de l’entreprise témoignent aussi de la montée en puissance du capitalisme : l’entreprise, royale au début, passe aux mains d’actionnaires privés avant de finir sous gouvernance privée d’une société basée en Algérie Française, Mokta el Hadid.
L’activité industrielle vialassienne tire profit des savoir-faire locaux mais aussi étrangers en employant des ingénieurs issus de régions allemandes ayant amorcé le virage de la révolution industrielle avant la France. Ainsi nombre d’étudiants des écoles d’ingénieurs sont venus étudier les nouveaux procédés mis en place. (cf. René LALAUZE.2018. La mine de Vialas un siècle d’archives inédites. Vialas : Le filon des Anciens. 102p.) On voit donc se dessiner, avec la compagnie des Mines de Vialas, la naissance d’une globalisation économique.
On notera également que l’activité industrielle n’est, durant les 113 ans d’exploitation, que très peu sensible aux bouleversements politiques qui marquent pourtant l’histoire du XIXe siècle.
Au lendemain de la Révolution française, les Français ne sont plus divisés entre les trois ordres du clergé, de la noblesse et du tiers état. Avec l’avènement de l’industrie, une nouvelle organisation s’établit et pose les bases du capitalisme : d’un côté ceux qui disposent du capital et de l’autre ceux qui n’ont que leur force de travail à proposer. L’émergence d’une classe ouvrière caractérise cette période.
Le développement industriel vialassien permet de mettre en avant l’émergence de cette catégorie sociale et la transformation d’une société rurale et agraire en une société industrielle et plus urbaine. En effet, au début de l’aventure minière, la main d’œuvre était principalement locale et paysanne. Elle trouvait auprès de la Compagnie des mines un moyen d’obtenir des compléments de revenus. Progressivement, ces paysans-mineurs font le choix de travailler pleinement à la mine et à l’usine, préférant la promesse d’un revenu régulier à l’incertitude des récoltes annuelles. Face aux pénuries de main d’œuvre, les responsables de l’usine recrutent à l’étranger : en Allemagne pour le savoir-faire des ingénieurs, en Italie pour la main d’œuvre peu qualifiée. L’arrivée de cette dernière catégorie contribue à la prolétarisation du personnel de l’usine, puisqu’elle ne dispose d’aucune autre ressource que celles fournies par l’entreprise. Au sein du village et dans l’entreprise, on voit ainsi se développer de nouveaux services en lien avec cette population ouvrière (boulangerie, magasins de subsistances, habitations en location dans le nouveau quartier des Esparnettes, église…)
Les préoccupations des dirigeants de l’usine sont semblables à celles des autres grandes entreprises de leur temps. Le patron doit agir en “bon père de famille” et des mesures paternalistes se mettent en place. On peut citer la création de magasins de subsistance permettant à ces étrangers de faire leurs courses au sein de l’entreprise plutôt que dans le village où ils rencontrent des difficultés avec les habitants. Une monnaie jeton fut même mise en œuvre au sein de l’entreprise contribuant à enfermer le salarié dans une spirale prolétarienne : il ne peut dépenser l’argent gagné qu’au sein de l’entreprise qui l’emploie. Dans le même esprit paternaliste, l’entreprise proposait à ses employés une instruction gratuite, avant même l’adoption des lois de Jules Ferry. Des caisses de secours et d’épargne permettaient aux ouvriers de disposer d’un recours en cas d’accident ou de perte de leur emploi.
La société dans son ensemble est transformée, à l’échelle d’une ou deux générations. L’avenir des enfants n’est plus nécessairement le même que celui de leurs parents : les écoles se développent et le Premier Cours Complémentaire de Lozère ouvre à Vialas en 1889. On s’intéresse au développement des techniques et aux sciences, à l’image du directeur Maisonneuve, ingénieur érudit féru de géologie et d’optique.
Le travail à la mine est pénible. On connaît les difficultés du travail « au fond », mais le travail du tri à la sortie des galeries (réalisé majoritairement par des femmes, et par des enfants au début de l’exploitation) et dans les ateliers de préparation est également exténuant. A l’usine, le bruit des machines est assourdissant, les rythmes de travail sont élevés. Les fondeurs, en particulier ceux chargés du grillage dans les fours à réverbères, doivent régulièrement intervenir pour malaxer le minerai chauffé à 700°C et sont exposés aux fumées toxiques, notamment le dioxyde de soufre et les vapeurs de plomb. Le cours du Luech, en aval de l’usine, est pollué et les pêcheurs de Chamborigaud se plaignent…
L’évolution de la population de Vialas est directement corrélée à l’activité de l’entreprise. Ainsi à la fermeture en 1894, nombre de travailleurs ont quitté la commune vers d’autres bassins miniers et le village a repris progressivement son caractère rural. Le statut du mineur de Vialas s’inscrit donc dans la mouvance du XIXe siècle et incarne la transition entre une société rurale et une société prolétarisée, moderne et industrielle.
2 - Sciences et techniques
Une architecture industrielle... en pierres
Au début de l’exploitation, la galène était acheminée à dos de mulet jusqu’à Villefort. En 1827, la Compagnie décide de créer une fonderie à Vialas. Le lieu n’est pas propice : les pentes sont fortes, la vallée est encaissée, la rivière est capricieuse.
Les ingénieurs vont devoir inventer des solutions techniques : cheminée rampante qui court le long de la montagne, grande voûte de 100 mètres de long, gigantesques murs de soutènements, multitude de voûtes… L’usine de Vialas était un bijou d’architecture industrielle, ses vestiges sont un témoignage rare des débuts de la Révolution industrielle.
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Du point de vue de l’histoire des Arts, le XIXe siècle est traversé par de nouveaux mouvements artistiques et architecturaux : néoclassicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, impressionnisme… La construction connaît également de grands bouleversements grâce à l’émergence de nouveaux matériaux tels que le fer et l’acier, ou encore la brique préfabriquée qui permet des constructions rapides et peu chères.
Mais l’usine de Vialas est très enclavée et ne peut donc pas bénéficier de ces nouveaux matériaux. Elle est principalement bâtie en pierre de schistes débitées sur place. Elle illustre en ce sens le travail de la pierre en Cévennes qui est un savoir-faire pluriséculaire.
Certains éléments constituent de véritables prouesses architecturales emblématiques du site, lui valant son inscription aux Monuments Historiques en 2014. En effet, une voûte recouvre le ruisseau sur près de 100 mètres. Et pour l’évacuation des fumées toxiques, les architectes de l’usine ont mis en place une cheminée maçonnée en pierre longeant le flanc de la montagne. Celle-ci repose sur une succession d’arches qui ont valu au site du bocard le surnom de « usine aux mille voûtes ». Malheureusement détruites, sur la rive gauche de la Picadière se trouvaient également d’autres exemples d’arches brisées semblables aux arcs brisés de l’architecture traditionnelle des Causses.
La grande voûte et la cheminée rampante montrent l’ingéniosité des architectes de l’époque qui ont su s’adapter à ce site peu propice pour y installer une usine.
En 1860, l’entreprise enregistrait d’importants bénéfices et elle a souhaité mettre en avant cette réussite lors de la reconstruction de la fonderie. Pour les nouveaux encadrements de portes et de fenêtres, les architectes ont choisi des pierres de grès, un matériau plus noble qui n’est pas disponible sur la commune.
Sur les différents plans dont on dispose, on peut voir que l’usine a dû s’adapter aux évolutions des techniques. Afin de transformer rapidement les structures existantes, l’emploi de la brique préfabriquée, caractéristique du XIXe siècle, s’est ainsi généralisé. L’architecture de l’usine constitue donc un exemple d’architecture entre tradition et modernité.
L’aspect ruiniforme des vestiges, que certains qualifient même de Piranésien, est dû à une destruction volontaire d’une partie du site, ainsi qu’à son abandon sans aucune reconversion. Les vestiges présents reflètent donc l’usine telle qu’elle était lors de sa fermeture.
Une usine à la pointe... du XIXème siècle
Au XIXème siècle, le site de Vialas était un fleuron de l’industrie française. L’Ecole des Mines de Paris y envoyait tous les ans des élèves ingénieurs pour étudier les procédés. Leurs rapports aujourd’hui de précieux indices pour comprendre comment on produisait l’argent.
Dans la montagne, les mineurs ont creusé des dizaines de kilomètres de galeries pour accéder aux filons de galène. Les techniques ont beaucoup évolué : du pic ou pointerolle, à la poudre noire jusqu’à l’air comprimé. Les travaux vont de plus en plus loin dans la montagne, les filons sont exploités sur 4 niveaux.
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Afin d’obtenir de l’argent, la galène doit subir un ensemble d’opérations et de traitements. Tout au long du XIXe siècle, les ingénieurs de l’usine ont amélioré les procédés, pour améliorer la rentabilité.
On doit d’abord trier, laver et concasser le minerai, pour obtenir des « schlichs », une poudre de galène très riche, prête à fondre. On utilise pour cela des machines puissantes, comme le bocard, gros concasseur de minerai extrêmement bruyant.
Puis, le minerai doit être fondu : c’est le traitement métallurgique. Les schlichs sont traités dans trois fours successifs. La chimie explique aujourd’hui le procédé. Mais à l’époque, la connaissance était très empirique et le procédé paraissait relever de la magie pour les ouvriers !
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Le travail de fouilles archéologiques mené au sein de la fonderie par l’équipe du CNRS vise une meilleure connaissance des procédés développés, et permet de mettre à jour la permanence de pratiques traditionnelles ainsi que de nombreuses innovations.
La galène est un sulfure de plomb, cristal de forme cubique très stable. Pour obtenir l’argent, il faut d’abord extraire le soufre, puis le plomb.
La première opération métallurgique avait lieu dans un four à réverbère, ou four de grillage, chauffé à environ 600°C. C’était une oxydation : l’oxygène apporté par le four piège le soufre, qui est évacué sous forme de fumée de dioxyde de soufre. Le plomb s’oxyde également : on obtenait des oxydes de plomb.
La seconde opération avait lieu dans un four à manche, à très haute température. C’est le procédé inverse : une réduction. On piégeait l’oxygène grâce à l’apport de coke (CO), qui formera du CO2, évacué sous forme de fumée. Le plomb métal, qui contient de l’argent, était alors libéré et coulait au bas du four.
Le troisième four était un four à coupellation. Il fonctionnait selon le même principe que le premier : l’oxydation. Le plomb oxydé était évacué par l’ouvrier qui écumait le haut du four : ces oxydes formaient les litharges. L’opération était délicate, car l’argent peut aussi s’oxyder ; l’ouvrier expérimenté repérait « l’éclair d’argent » qui signale la liquéfaction de l’argent, et faisait stopper brutalement la cuisson.
On obtenait alors un « gâteau d’argent », qu’on dégageait facilement grâce à la préparation minutieuse de la sole. Il restait encore à raffiner et couler le métal précieux dans des lingotières de graphite pour obtenir les lingots d’argent.
Pour faire tourner toutes ces machines, il fallait de l’énergie. On utilisait l’eau de la rivière : la force hydraulique. L’eau était captée à 1 kilomètre en amont et acheminée par un canal. Le canal alimentait des roues à aubes, qui faisaient tourner les machines. A partir de 1860, une machine à vapeur a pris le relais à la fonderie quand le niveau de la rivière était insuffisant, mais les ateliers de préparation fonctionnaient toujours grâce à la force hydraulique.
Vialas assurait ¼ de la production nationale d’argent en 1847 et sa production n’a cessé de croître jusqu’en 1861-62 où elle atteint 1930 kg d’argent raffiné. La société minière tirait alors aussi d’importants revenus de ses sous-produits : 146 000 kg de litharges rouges et 135 000 kg de litharges jaunes. Avant 1845, elle produisait aussi de la céruse, ou « blanc d’argent ». Après les années 1870, l’exploitation a progressivement diminué jusqu’à la fermeture en 1894.
3 - Géologie
La galène est un sulfure de plomb, c’est-à-dire une molécule formée d’atomes de soufre et d’atomes de plomb. De temps en temps, des atomes d’argent se sont substitués aux atomes de plomb : dans ce cas la galène est argentifère.
La galène se trouve dans des filons plutôt verticaux., souvent associée à du quartz. Ces filons sont d’anciennes failles qui ont été comblées par de l’eau très chaude chargée en minéraux. Sous l’effet de la pression et de la température, ces minéraux ont cristallisé.
La situation géologique particulière de Vialas a permis la formation d’un important réseau filonien de galène. En effet, la commune est sur la zone de contact entre le granite du mont Lozère et les micaschistes des vallées cévenoles.
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L’exploitation des ressources du sous-sol des Cévennes existe depuis des temps très reculés comme en témoigne le travail mené sur le Mont Lozère par les archéologues Marie-Christine Bailly Maitre et Alain Ploquin. Néanmoins le XIXe siècle constitue un tournant dans l’histoire car les besoins conséquents pour l’industrie conduisent à une recherche accrue de nouveaux filons de minerais. Les travaux scientifiques menés par Dolomieu ou par De Gensanne sur notre territoire à la fin des Temps Modernes en sont de précieux exemples.
S’il est vrai que le charbon s’impose comme matière première de l’industrie, il ne faut pas pour autant réduire la Révolution Industrielle à sa seule exploitation. D’autres minéraux étaient recherchés et exploités pour leur teneur en métal ou leurs propriétés chimiques. Parmi eux la galène, minerai de plomb argentifère, qui est un sulfure de plomb. L’argent n’existe pas ici à l’état natif, mais il est présent à l’échelle atomique. La galène est constituée d’atomes de soufre et d’atomes de plomb, auxquels se substituent parfois des atomes d’argent, très similaires sur le plan atomique. Pour obtenir l’argent, il faudra donc extraire le soufre, puis le plomb.
La galène est un minerai peu connu du public alors qu’elle permet d’obtenir des métaux utiles comme le plomb ou l’argent et qu’elle a également servi à l’invention des premiers postes de radio. A Vialas ce minerai est principalement recherché pour l’argent, mais on ne néglige pas le plomb qu’il contient. Une expression populaire veut qu’en 1870, Vialas produisait “de l’argent pour payer la dette à la Prusse, et du plomb pour la revanche” ! L’obtention de ces métaux nécessite des traitements particuliers qui donnent naissance à des déchets qui étaient également valorisés comme les litharges rouges et jaunes, qui sont des oxydes de plomb, ou la céruse, utilisées comme adjuvants pour les peintures.
L’existence des filons de galène à Vialas a pour origine plusieurs événements géologiques majeurs. La mise en place de la chaîne hercynienne, il y a près de 300 millions d’années, entraîne la formation de roches métamorphiques (micaschistes des Cévennes). Ensuite, du magma granitique se met en place dans ces micaschistes. C’est à ce moment que se forment les granites du Mont Lozère. C’est probablement à cette époque que commencent les premières minéralisations : des eaux thermales s’infiltrent dans les fractures des micaschistes voisins et créent les filons. Cette activité minérale va se poursuivre de façon plus ou moins discontinue et en particulier être réactivée lors de la phase pyrénéo-alpine (60 Ma). Elle va donner les minéralisations à galène argentifère, blende, pyrite et mispickel de Vialas.
4 - Le site aujourd’hui
En rive droite du Luech au niveau du pont de La Planche, sur la commune de Vialas, l’ancienne mine est aujourd’hui envahie par la végétation. Jean-Pierre Chabrol appelait ce lieu « la Mine au Bois Dormant ».
Depuis la route, on aperçoit entre les pins et les acacias, des voûtes, des vestiges de façades et un pont. Il faut s’approcher pour découvrir l’ampleur du site, sa voûte d’une centaine de mètres sur le Colombert, les étranges toboggans à minerai, la multitude de voûtes en granite, en schiste ou en briques du bâtiment de la fonderie, la façade de l’ancienne rue et celle de la fonderie qui domine le Luech, les fondations de la boulangerie, de la forge, des ateliers de traitement du minerai, l’emplacement des roues à aubes et partout des canaux, des tunnels et la marque des anciennes chutes d’eau qui alimentaient les machines de l’usine.
Le site du Bocard dégage une atmosphère vraiment particulière de cité engloutie par la végétation, qui laisse découvrir pas à pas sa belle architecture de pierre et l’histoire, somme toute éphémère, de ce qui fut une grande activité humaine pour la région.
Un site archéologique et des recherches historiques
L’histoire du site du Bocard est aujourd’hui un sujet d’études passionnant.
L’absence de reconversion du site après sa fermeture en 1894 en fait un précieux et rare vestige des premières usines de la Révolution Industrielle. L’ancienne fonderie est fouillée par une équipe du CNRS, laboratoire IRAMAT, sous la responsabilité de Jean-Charles Meaudre.
La particularité géologique du site et les évènements géologiques ayant conduit à la formation de la galène sont étudiés par le labo Géosciences de Montpellier, sous la direction d’Alain Chauvet.
L’impact sociologique et environnemental de l’activité industrielle précoce dans une zone de montagne fait l’objet d’études historiques.
Les procédés mécaniques et métallurgiques et leur impact environnemental intéressent l’Ecole des Mines d’Alès.